peine de mort, définition et arguments
Peine de mort : incarnation suprême de la justice et de l'Etat. De la justice car la justice possède deux fonctions : d'abord dissuader, par l'existence des textes de loi, ensuite réprimer, par l'application desdites lois. (on confond souvent les deux). De l'Etat car la définition ultime de l'Etat est le monopole de la violence légale. La peine de mort est donc le symbole même de l'Etat vivant et souverain.
Peine de mort (réponse aux anti)
-la peine de mort n'est pas dissuasive. REPONSE : comme démontré plus haut, la fonction d'une peine n'est pas de dissuader mais de punir. En outre, aucune loi n'est 100% dissuasive, sinon a) il n'y aurait aucun crime ou délit ou b) il faudrait supprimer toutes les lois que certains n'appliquent pas.
-nul n'a le droit d'ôter la vie. REPONSE : outre que cet argument a un fond chrétien souvent ignoré par ses propagateurs, c'est faux : l'Etat possède ce droit.
-ça ne ramène pas la victime à la vie.. REPONSE : vrai, mais hors sujet. Telle n'est pas la fonction de la peine. En outre, la peine capitale sauve mécaniquement d'autres vies, puisque un pourcentage inévitable de meurtriers non-condamnés à mort commettrons d'autres crimes à leur libération.
-la peine de mort est cruelle, barbare. : REPONSE : en quoi est-ce plus cruel qu'une condamnation à la prison à perpétuité réelle (peine tout aussi sinon plus cruelle, qui non seulement coûte cher, mais en plus est un réel danger pour les gardiens de prison et les autres détenus). En outre, c'est le principe même d'une peine, d'être cruelle. Imagine-t-on une "peine gentille"?
-"ceux qui sont pour la peine de mort sont en général contre l'avortement" disait josiane balasko, se croyant fine et intelligente de montrer une contradiction chez ses ennemis. REPONSE : l'inverse est encore plus courant (contre la peine de mort, pour l'avortement) et bien plus illogique, puisque, à la limite, on peut dire que le foetus est toujours innoncent, le condamné à mort souvent coupable.
-on ne peut prendre le risque de la peine de mort car il y a des erreurs judiciaires. REPONSE : avec cette logique, on n'applique aucune peine, car il y aura toujours des erreurs judiciaires, l'erreur est humaine. En outre, il est incontestablement plus atroce d'être condamné à la prison pendant trente ans PAR ERREUR que d'être condamné à mort par erreur (trente ans de cauchemar d'un côté, un sale moment à passer puis un "léger souffle sur le cou" de l'autre). Certes, l'erreur avec la peine de mort ne peut être réparée, mais peut-on parler de "réparation" lorsque la vie d'un homme a été détruite par des années passées en prison?
Suite à ce texte publié sur un forum il y a quelques temps, j'avais reçu le commentaire suivant :
Vous posez des axiomes et faites des définitions, puis des déductions sur cette base. Pourquoi pas? C’est légitime, législatif même. Mais, s’il s’agit ici moins du cheminement qui arrive à une décision en matière de peine de mort, que de la base (les axiomes et définitions) alors…
1) Je laisse d’abord de côte la nécessité de la dissuasion que je ne remets pas en cause (mais j’admets qu’on le fasse puisqu’elle fait partie des axiomes). Je considère aussi la répression en dehors de son aspect dissuasif car, comme vous le dites, on confond souvent les deux. Ceci étant posé, je demande s’il vaut mieux donner à la justice (entre autres fonctions) la répression, la rééducation, ou la mise hors d’état de nuire (disons la "réduction"). Qu’apporte la répression si ce n’est la satisfaction du désir de vengeance? Rien à mon avis. Mais pourquoi pas une justice vengeresse? Je ne réponds pas à la question; je veux simplement qu’elle soit posée…
2) Je remets en cause le monopole étatique de la violence légale (je ne dis pas "définition de l’Etat" car je ne réduis pas celui-ci à sa fonction coercitive). Pourquoi ce monopole qui interdit au citoyen la légitime défense? Pourquoi pas ce monopole, d’un autre côte? Je propose qu’on s’interroge sur les exigences d’un tel monopole en matière d’efficacité policière. Une fois qu’on a reconnu ces exigences en terme de présence et de prérogatives policières, demandons nous si la satisfaction des exigences de ce monopole représente un danger pour la liberté…?
3) Ce n’est pas parce qu’un argument a un fond chrétien qu’il faut l’écarter. Si une telle façon de faire peut se réclamer de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, elle n’en est pas moins anti-laïque car elle est antireligieuse. De ce point de vue elle représente un danger pour la liberté.
4) Je remets en cause le "droit de l’Etat d’ôter la vie". Non pas que je le nie. Pour être franc, je suis pour. Mais, sans égard pour mon opinion personnelle, je demande que ce droit soit débattu plutôt qu’admis a priori …
5) Vous dites que "la peine capitale sauve mécaniquement d’autres vies". Ni plus ni moins que la mise à mort de toute la population qu’on empêche ainsi de commettre un meurtre. Sérieusement; je m’explique. La mise à mort du meurtrier, s’il empêche le meurtre d’autrui par ce meurtrier, tue quelqu’un: le meurtrier. Ainsi la peine capitale a deux effets, a) le sauvetage potentiel d’une ou plusieurs vies, b) la suppression certaine d’une vie, celle du meurtrier. Ce qui amène la question suivante: APRES le meurtre et AVANT toute velléité d’en commettre un autre (c'est-à-dire pendant la détention préventive puis le procès) la vie du meurtrier vaut-elle moins que celle des membres du public? Si oui, on est dans une optique vengeresse…
6) "peine de mort cruelle": faux débat en effet, car la mort peut être donnée avec douceur; on propose même dans certains pays le suicide assisté dans l’ambiance familiale…
7) L’argument de l’erreur judiciaire pèse son poids si on donne à la peine en général une fonction répressive – vengeresse donc. Cet argument pèse moins lourd (un peu moins) dans le cadre d’une justice rééducatrice. Dans ce cadre, le séjour pénitentiaire n’est plus destructeur mais rédempteur. Ce cote rédempteur de la peine rééducatrice ne bénéficie pas seulement au coupable (meurtrier ou autre) mais aussi au public en temps que victime potentielle du coupable élargi après sa peine. Dans le cadre d‘une justice rééducatrice du meurtrier, il ne s’agit plus de tuer le meurtrier pour protéger le public, mais de protéger du meurtre, et le meurtrier, et le public.
Je trouve ça intéressant du point de vue d’E&R qui est née d’un désir de Réconciliation. E&R s’est ainsi donné la tâche de dénoncer les fausses oppositions. Il me semble que l’opposition meurtrier-public mérite qu’on se demande si on peut la réduire à l’aide d’une justice rééducatrice. Mon opinion est que c’est possible mais que ça n’est pas suffisant. La justice ne peut rééduquer que sur la base de valeurs communes au meurtrier et au public. En d’autres termes, la rééducation est impossible sans l’éducation de tous les citoyens. La perversité de la société libérale, du point de vue de la viabilité communautaire, est l’abolition de l’éducation. Sa pente naturelle, celle de Sarkozy, est donc
1) la dissuasion qui, dans une société sans valeurs donc sans auto-dissuasion citoyenne, n’est effective que si elle est exercée avec des moyens liberticides et potentiellement dictatoriaux,
2) la vengeance à l’endroit des individus qui passent à travers les mailles étroites du filet dissuasif, c'est-à-dire la répression,
3) la frustration de l’individu privé de capacité auto-dissuasive; la société anglaise est intéressante à cet égard…
A ces arguments, j'avais donné les réponses suivantes :
1-la société libérale et sarkozy n'ont rien à voir là-dedans, d'ailleurs plus le libéralisme gagne, moins la peine de mort est appliquée
2-l'adjectif "citoyen" est un néologisme très laid d'origine de gauche, qui ne veut rien dire. A la limite, "civique", mais je ne vois pas très bien quel sens vous lui donnez
3-oui, je fais des axiomes, c'est le principe même d'une définition de dictionnaire. On doit toujours poser des bases, ces bases sont évidemment subjectives.
4-"peine rééducative" par exemple est un axiome vôtre. Pour moi, c'est une contradiction dans les termes. Il y a l'éducation d'un côté, qui est là pour dire le bien et le mal, et la répression d'un autre c'est à dire la peine.
5-"la vie du meurtrier vaut-elle celle du public?". Non, bien évidemment.
6-"qu'apporte la répression si ce n'est le désir de vengeance? rien à mon avis" : la répression apporte...la répression. Elle est un but en soi. Cela dit, la vengeance est une certaine forme de justice, pas la seule, mais une certaine.
7-Vous vous interrogez sur le monopole de la violence publique mais vous ne concluez pas. Or nous essayons de donner une définition. Il faut donc trancher.
8-je ne comprend pas votre point numéro 3)
9-(vous avez en fait deux "points numéros 3), je ne comprend pas plus le second
10-votre point numéro 4 non plus ne tranche pas.
11-Votre point numéro 5 pousse à l'absurde mon argument. Mais il est démenti par la réalité des faits. Les sociétés avec peine de mort n'ont jamais étendu celle-ci à tout le monde pour sauver...pour sauver qui d'ailleurs puisque tout le monde serait mort. Non, ce n'est pas un argument sérieux.
12-Je ne vois pas le lien entre la peine de mort et "le suicide assisté".
13-Votre point numéro 7 renvoit à mon point numéro 4 de ce post. La peine est répressive, justement, c'est là son unique fonction.
14-Vous écrivez, je cite : Je trouve ça intéressant du point de vue d’E&R qui est née d’un désir de Réconciliation. E&R s’est ainsi donné la tâche de dénoncer les fausses oppositions. Il me semble que l’opposition meurtrier-public mérite qu’on se demande si on peut la réduire à l’aide d’une justice rééducatrice.. Je ne vois pas pour ma part d'opposition meurtrier-public. Je vois face à face justice-meurtrier, ou Etat-meurtrier.