la fillette du caissier de Lidl
Samedi soir, alors que la neige avait hélas déjà fondu, je suis allé faire quelques commissions basiques dans ce magasin qui vend "pas cher des choses qui ne valent rien", pour reprendre l'heureuse formule de Patrick Besson.
La file d'attente était assez longue. J'entend une voix de petite fille, une voix adorable parlant avec une personne qu'elle appelle "monsieur", allant lui chercher, si j'ai bien compris, un truc qui lui manquait dans les rayons.
Elle revient, et continue de papoter. J'arrrive à la caisse, je la vois. Son physique n'est pas en adéquation avec sa voix. Pas vraiment laide, mais on sait déjà que plus tard, elle ne sera pas de celles qui font retourner les têtes.
Vêtue de vêtements visiblement de mauvaise qualité et d'un goût douteux (du rose, du rouge, du jaune, genre jacquard mais pas tout à fait), j'ai eu la gorge serrée. En ce monde barbare ou l'on parle de discriminations là ou il n'y en a pas (sauf pour les majorités), je pensais à l'avenir de cette petite fille.
Quelle source de discrimination plus dure que celle de la beauté ?
Quelle source de discrimination plus omniprésente que celle de l'argent ?
Mais la petite fille n'y pensait pas, elle était là, à côté de son père caissier, commentant les courses. Les miennes, tiens. Au moment ou je fait le code de la CB, elle dit "j'aime les chiffres".
"Ah bon", dis-je, un peu étonné quand même. "Tu aimes les chiffres ?". Elle pouffe. "Mais non, j'aime les CHI-PSEU". "Ahhh, les chips, ok ok ok. Ben tu devrais adorer celles-là, elles sont goût barbecue".
Je récupère ma carte bleue, ouvre le paquet et lui propose de se servir. Bien polie, et un peu timide pour une fois, elle refuse, mais j'insiste. Alors, elle met la main dans le paquet et prend UNE chips. "Tu aurais pu en prendre une pleine poignée tu sais", lui réponds-je un peu en riant. (Je précise parce que j'ai horreur des malentendus que je ne lui ai pas offert de chips genre "oh la petite fille pauvre", non, je me doute bien qu'elle mange à sa faim, je lui en ai offert parce que je la trouvais adorable, fin de parenthèse).
"Passe de bonnes fêtes", que je lui dis, en sortant.
Et depuis samedi, je repense à la petite fille du caissier, insouciante, polie, vive, mais pauvre et qui ne sera jamais belle, et je ne vois pas de solutions, parce que la condition humaine, c'est qu'il n'y a pas de solutions pour tout.
J'espère que tu sera heureuse quand meme, petite fille du caissier, rencontre d'un soir.
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