régionales : vrais et faux gagnants
Si on pensait un jour à adopter ma réforme du mode de scrutin, les analyses géoélectorales s'en trouveraient grandement simplifiées. Il suffirait de faire en sorte que chaque parti se présente dans chaque circonscription, ayant la possibilité de former un cartel avec d'autres partis. Le parti du cartel le plus fort au soir du premier tour serait qualifié pour le second tour (s'il franchit, bien sûr, la barre des 10 % des votants). Ça plus le vote obligatoire, on saurait enfin quelle est la géographie électorale de chaque parti, même le plus petit.
Mais bon. Vous avez tous sûrement assisté hier soir à cette pantalonnade de plus en plus grotesque nommée soirée électorale à la télé. Ils ne se cachent même plus d'être de leur dictature moralisatrice. Témoin : les interventions très courtes et coupées avec la plus grande morgue des Le Pen père et fille, le fait qu'aucun représentant du FN ne soit sur aucun plateau, alors que des représentants de partis microscopiques (Modem, NPA, LO, Dupont-Aignan...), ça, ça y va !
Grotesque aussi, ces éternelles mauvaises fois. Et que je suis vainqueur parce que je suis en tête, et non vous avez perdu parce que vous n'avez pas de réserve, et que par rapport aux précédentes élections du même type vous avez baissé, ah mais nous avons progressé par rapport aux élections de l'année dernière.
Grotesque enfin, ce vide intergalactique des solutions proposées par l'UMPSVerts aux problèmes nationaux. Dire qu'adolescent, je ne ratais jamais une édition de L'Heure de Vérité (avec Albert Du Roy, Alain Duhamel et Jean-François Kahn, qui interrogerons ce soir tour à tour l'espoir du PS, Michel Delebarre).
Cela dit, je ne loupe jamais une de ces soirées, pour ce frisson de 19h59 qui précède l'animation des résultats ; pour les images des QG, militants en larme ou en joie ; pour ces soirées ou se produit un changement historique de la répartition électorale.
Et puis le décortiquage des résultats département par département, quel délice pour un amoureux des cartes.
Bref, qui a gagné, qui a perdu, hier soir ?
Il est difficile de comparer ces élections avec celles de 2004. L'UDF est devenu Modem et à rompu avec l'UMP, le PCF a fait cette fois-ci route sans le PS (la plupart du temps), LO et NPA (ex-LCR) ont eu aussi rompus, les concurrents du FN se sont multipliés, etc.
C'est pourquoi j'ai songé qu'il serait plus simple, plutot qu'une représentation par parti, d'en faire une par famille spirituelle. J'en ai distingué quatre : les communistes (extrême-gauche, PCF, Mélanchon, Grémetz, liste immigrée d'Île-de-France) ; les républicains (socialistes, divers gauche -y compris les régionalistes, à l'exception des régionalistes corses-, radicaux, chevènementistes, centristes, écologistes) ; les libéraux (UMP, agrairiens bretons et lorrains, liste Spartacus lyonnaise, Alliance Centriste alsacienne) ; les réactionnaires (FN, MNR, Bloc Identitaire, Parti de la France, Debout la République, CNI, Liste Chrétienne, Solidarité & Progrès).
(Précision : je sais qu'en théorie, les écolos, les régionalistes ou les démocrates-chrétiens ne sont pas ce qu'on appelait des républicains, mais ce mot a tellement été galvaudé qu'il signifie désormais avant tout à gauche ; je sais que les partis de la famille réactionnaire ne peuvent pas se blairer entre eux, il n'empêchent qu'ils sont fourrés là parce qu'ils ne sont ni de gauche ni libéraux, ce qui est la définition traditionnelle de cette tendance).
Voici donc les résultats, par partis et par famille :
En apparence tout semble désigner la gauche, et particulièrement le PS, comme le grand vainqueur de ces élections, mais avant de dire qu'il n'en est rien, regardons les cartes suivantes :
toutes les cartes ont le même code couleur. En rouge, les 5 régions ou la famille a obtenu ses meilleurs scores. En rose, les 6 suivantes. En bleu ciel, les 6 suivantes. En bleu, les 5 régions ou la famille a obtenu ses pires scores.
Famille communiste :
Géographie classique du PCF, à l'exception du Languedoc, ou Frêche a phagocyté l'électorat communiste. Les bons scores en Franche-Comté doivent provenir d'un transfert chevènementiste.
Famille républicaine :
Là encore, une carte sans surprise, même si le faible score relatif en Rhône-Alpes semble montrer que le poids des écologistes n'est pas aussi puissant qu'ils le voudraient bien. Ils sont par contre décisifs dans la conquête de l'ouest intérieur, traditionnellement conservateur. Mais si on y réfléchit bien, le conservatisme 2010, c'est d'être à gauche, de même que c'était d'être à droite en 1960. Les régions les plus ouvrières sont totalement désertées par les républicains.
Famille libérale :
Qu'est-ce qu'un libéral ? C'est un républicain sans la foi en les grands Principes. La géographie libérale se structure autour de deux pôles : le pôle conservateur catholique de l'ouest intérieur et celui du grand est, d'un conservatisme plus laïque (le résidu de ceux qui croient encore au gaullisme sarkozyste + les classes aisées de la viticulture champenoise et la bonne société alsacienne). Bonne présence aussi dans la bourgeoisie lyonnaise et parisienne.
Famille réactionnaire :
A l'exception du cas corse, les zones de faiblesse de la famille réactionnaire se situent à Bisounoursland, là ou l'immigration est rare (mais où pourtant les problèmes des ouvriers, pêcheurs et paysans sont importants). Si l'on tient compte du probable grand nombre de bulletins caviardés par les gauchistes au moment du dépouillement (une simple trace de doigt suffit parfois pour invalider un bulletin, et ce bulletin est plus souvent FN que PCF...), et de la proportion d'immigrés en Île-de-France, le score réactionnaire en région parisienne est particulièrement remarquable. Ainsi que le score languedocien, compte tenu de la concurrence populiste de Frêche.
Enfin, une carte qui explique beaucoup de choses : celle de l'abstention :
Voilà une carte qui doit inquiéter plus d'un présidentiable du PS. On voit en effet (mais on pouvait le deviner rien qu'avec le score anormalement -historiquement- élevé des gauches) que c'est principalement à droite et dans les milieux populaires que l'on s'est le plus abstenu. Et, si on pense à la présidentielle 2007, principalement dans l'électorat sarkozyste.
Le PS est donc un vainqueur en trompe-l'oeil (surtout que son électorat est traditionnellement le plus volatile de France, capable de passer de 15 à 40 %). L'électorat de gauche est bien plus civique que la moyenne, il s'est mobilisé en masse, les présidents de régions sortants sont quasi tous socialistes, ce qui aide à la publicité. Le rejet du sarkozysme (inexplicablement pris pour un quasi-nationalisme par la bonne pensée de gauche, on se demande bien pourquoi) est lui aussi très mobilisateur.
En conséquence, le vrai vainqueur de ces élections est...le FN, d'habitude mal servi par l'abstention (qui touche d'avantage son électorat populaire), il a tout de même réussi à obtenir près de 12 % (et 14 % avec les listes rivales). Si on s'appuie sur ce socle + le réservoir d'abstentionniste populaires ex-sarkozystes, le FN peut espérer beaucoup aux présidentielles de 2012. Surtout qu'il n'a pas besoin d'obtenir 50 % + 1 voix pour changer la donne. En réalité, obtenir 20 % lui permettrait de saboter le jeu de ping-pong d'alternance (je me souviendrais toujours de cette définition de la démocratie par Anne Sinclair : "l'alternance entre libéraux-sociaux et sociaux-libéraux") entre PS et UMP.
Bref, de 12 à 20, il ne manque que huit points au FN, huit malheureux petits points...
D'autant plus qu'il ne faut pas oublier le contexte de la crise mondiale décisive du mondialisme libéral (due en grande partie au peak-oil). Je craignais (pour ma part) en effet que l'extrême-gauche profite du contexte pour se poser en recours. Après tout, en terme d'antilibéralisme, ils ont de l'expérience (même si les réactionnaires ne les avaient pas attendus en la matière).
Or ni NPA, ni LO, ni Front de Gauche n'ont réussi à mobiliser autre chose que petits fonctionnaires quinquagénaires et planqués, immigrés de troisième génération, p'tits cons d'étudiants cradingues et fous dangereux du genre LGBT.
On le voit sur ce tableau, les communistes ne gagnent que 2,5 points depuis 2004, et sont même en baisse par rapport à 2009 (il est vrai que dans certaines régions -Champagne, Bourgogne, Basse Normandie-, le PCF s'est rangé sous bannière socialiste, mais bon, les scores communistes dans ces régions n'ont jamais été mirobolants, ceci explique cela).
Bref, lorsque le social-libéralisme s'effondrera sous les coups de boutoir du manque d'énergie bon marché et de paupérisation libre-échangistes, il n'y aura pas à se soucier du rival communiste (qui n'ont d'ailleurs aucunes propositions crédibles à apporter.).
Autre faux opposant à terre : Bayrou-le-pitre et son Modem, au nom ringard dès la naissance. Ce parti qui réussissait l'exploit de critiquer l'UMPS tout en rêvant d'un gouvernement... UMPS (à direction centriste), ce parti qui n'avait d'autre programme que de porter son chef à l'Élysée (il est vrai qu'il est le seul à pouvoir battre Sarkozy au 2e tour... encore faut-il passer le premier !), ce parti a perdu son électorat, siphonné par les écolos. Cela dit, comme les écolos n'ont aucun candidat crédible à la présidentielle (vous imaginez Cécile Duflot, sa voix de crécelle et sa fille prénommée Térébentine -véridique !- présidente, vous ?), je n'enterrerais pas Bayrou trop vite. Et puis deux ans, c'est long...
MECHANT PAPY JEAN-MARIE !
par lorgane
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