notes dépareillées sur vieux carnet
C'est tout de même étrange, un blog quand on y pense. Le mot, déjà, fait assez bâtard. Assez laid aussi. J'emploie souvent, je le note en passant, les mots "plutôt", "assez", "mais bon", "cela dit". Et les parenthèses, et mes chers tirets. Plutôt (tiens!) curieux si l'on songe que la plupart des gens qui me connaissent, ou qui me lisent ici, me voient, je pense, comme une personne intolérante, ou pour le moins primaire, binaire, aux avis tranchés, jamais traversé par le doute. Mais je ne peux leur jeter la pierre, puisque moi aussi je juge la plupart des gens comme cela. Je les imagine figés, indestructibles, inconvertissables, impropre à mon cher prosélytisme. Ceux que je juge plus bêtes ou moins cultivés que moi, je me dis qu'ils n'ont pas les moyens de changer d'avis. Ceux que je juge plus intelligents ou plus cultivés, je me dis que je n'ai pas les moyens de leur faire changer d'avis.
Beaucoup de gens se foutent de l'opinion des autres, moi non. J'aime les connaître, tout comme j'aime connaître la psychologie et la personnalité de ces mêmes gens -mais c'est un autre sujet. Je veux ici dire que j'aime les faire changer d'avis. Ou du moins j'adorais ça, avant. Depuis, je limite mes ambitions à faire changer ceux qui ne sont pas trop éloignés.
Ceux qui le sont trop -éloignés-, j'évite désormais la discussion, l'échange, c'est une perte de temps. Quand ce n'est pas la mauvaise foi, c'est la totale différence de grille de lecture qui rend les arguments inaudibles (de leur part, du moins, car les grilles de lecture, c'est mon rayon, je connais celle du trotskyste, celle du nazi, celle du libéral, celle du social-démocrate ou celle du démocrate-chrétien ; celle du prolo qui croit connaître mieux la vie parce qu'il travaille de ses mains et "connais les difficulté" de la vie ; celle du bourgeois qui n'a pas de complexe car "il a bossé dur pour réussir et les autres n'ont qu'a faire pareil" ; celle du musulman qui voit sa religion blâmée de toute part, ses nations dirigées par des corrompus et ses correligionnaires peu nombreux aux bonnes places ; celle du juif qui s'estime persécuté, qui pense que même bourré de fric ou adulé et célebre ou replié dans ses HLM du XIXe arrondissement, il pourra être craint, respecté, admiré, mais jamais aimé ; celle du noir qui voit les nations noires invariablement aux dernières places en terme de richesse, et la part noire d'une population invariablement aux derniers rangs, mis à part les bourgeois qu'aiment tant les séries télé, le noir qui voit le mec de gauche le nommer "black", comme si "noir" était une couleur interdite, le même mec de gauche qui n'osera pas dire à ce noir qui agit mal qu'il agit mal, ça doit donner envie de tout fracasser -sans parler du noir qui voit le mec de droite lui dire doctement que "nègre" est un mot normal, agréé par le Littré, faux-cul! ; et je connais la grille de lecture du "petit blanc", comme disent les médias sans la moindre mauvaise conscience (cf. chapitre "black"), celui qui vit dans un village abandonné de Dieu et de la poste et de la banque et de l'épicerie, celui qui croupit dans un immeuble ideux du Calaisis, celui qui se voit tous les jours attribué le rôle de mini-Hitler, le seul sensément capable de racisme, car il est bien connu que gitans, juifs, arabes, chinois, noirs, japonais, incas ne sont génétiquement pas racistes (comme la lecture de l'hebdomadaire Marianne vous l'apprendra, si vous apprenez à bien lire ce magazine).
Je capte toutes ces grilles de lectures, et bien d'autres encore. Ce qui ne m'empêche pas d'avoir la mienne, mais la renforce, mais me rend fou de rage, aussi, parfois, parce que je suis làs, souvent, de comprendre ce que les autres veulent dire, mais que ce ne soit pas réciproque.
Et pourtant, malgré cette louable compréhension de l'idéologie d'autrui, pour je ne sais quelle raison -celle que je cherche sans doute en écrivant ces lignes-, je me sens blessé, au sens propre, de lire une opinion opposée à la mienne. Je ne comprend pas pourquoi le fait de lire telle critique négative sur un film, un livre, un homme, une idée, etc. qui me tient à coeur me rend physiquement malade. A tel point qu'il m'est de moins en moins possible de lire ne serait-ce qu'une simple liste de "0 étoiles" sur un film que j'aime sur Allociné.
Il n'y a pourtant rien de politique dans une critique virulente de, par exemple, After Hours, mon Scorsese préféré, mais rien à faire, ça m'énerve.
(j'ignore totalement ou je vais aboutir dans ce texte, qui part dans tous les sens. "Manque de rigueur", me disaient invariablement mes profs. Je parlais de blog, au départ, puis de tolérance, ou plutôt de compréhension d'autrui pour finir sur des critiques de films)
Etrange, oui, le blog. Cet endroit ou, surtout ici, on parle à peu près de tout, de l'idéologie bonapartiste à Secret Story en passant par les éoliennes, les boulangeries dégueulasses, etc. (vous connaissez la liste puisque vous le lisez déjà, ce blog). Oui, on y parle à peu près de tout sauf de vie privée. A la fois parce que c'est ridicule (puisque ça ne sert à rien), improductif (puisque ça ne change pas la réalité), néfaste (puisque des gens sans scrupules se servent toujours de vos failles privées pour démonter malhonnêtement vos idées publiques, alors que ça n'a rien à voir), et indécent (puisque peu intéressant pour le lecteur).
Et pourtant, parfois, la tentation est grande de cèder à ce travers lamentable. Notons que certains blogs ne parlent que de ça. Je ne les lis pas, puisque, comme je le disais plus haut, ça ne présente aucun intérêt. Notons aussi que lorsqu'un blog parle de vie privée, c'est pour en narrer les mauvais côtés (que celui qui connait un blog parlant d'une nage dans le bonheur me jette le premier parpaing -les pierres sont trop précieuses maintenant pour êtres gaspillées à être jetées sur moi, mais les parpaings, allez-y, sans hésiter, il faut génocider le parpaing, sans garder les petits).
Et puis se plaindre est une politique pour tout dire assez nulle. Ami lecteur, si tu va mal, il n'y a que deux choses à faire, d'abord comprendre, et puis agir.
Il n'y a que dans les films ou les séries que le héros s'assied sur le ponton, par une belle nuit étoilée, et que la personne que le héros voulait voir apparaître apparaît. Je sais, j'ai essayé. On pourrait écrire un court essai là-dessus, dont le titre (universitaire) serait "de l'inutilité de la paresse sentimentale dans les boums de la fin des années 80, traité d'antiapologie de la pose du jeune garçon solitaire en soirée".
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Certains d'entre vous se seront peut-être demandé ce que signifiait la devise "ni bon ni brute" figurant en haut de ce site. Mis à part l'évident hommage à Eli Wallach, Sergio Leone et à ce bon Tuco Benedicto Pacifico Juan Maria Ramirez (dit : "le porc").
Et bien justement, (ici un paragraphe tellement nul que je le censure carrément, je crois que le mieux est de laisser parler la poésie, mais je dois préciser que j'ai connu ce poème d'Adalbert de Chamisso (1781-1838) dans un film, et non dans un livre, je ne peux donc pas me la jouer "je lisais des poètes romantiques allemands à vingt ans", âge auquel j'ai entendu les phrases qui vont suivre. C'était en 1993, la fin d'une époque, celle des premières amitiés, du premier amour, de l'illusion que nous vivions les "conséquences du choc pétrolier", mais un âge qui fut vécu, lui, contrairement à mes quinze ans)
Français en Allemagne, allemand en France,
catholique chez les protestants, protestant chez les catholiques,
philosophe chez les gens religieux, cagot chez les gens sans préjugés,
homme du monde chez les savants, pédant dans le monde
jacobin chez les aristocrates, chez les démocrates, un noble, un homme de l'Ancien Régime ;
je suis un étranger partout
je voudrais trop étreindre et tout m'échappe
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