rions un peu avec Dantec (2)
LITTLE DANTEC, BIG BROTHER (extrait de lingane/hautetfort, 19 juillet 2005)
Depuis son exil de lofteux à Montréal, Momo Dantec, le héraut du cyberoccident
métachrétien, daigne nous adresser, à nous autres pauvres dhimmis "d'Eurabie"
(selon sa fine expression -qui n'est même pas de lui) ses philippiques
enflammées.
Hélas pour lui, elles tiennent moins de Caton que du carton
(ondulé).
La dernière en date, publie sur le site de Ring (un webzine
néoréac fana de Lance Armstrong et d'Alexandre Del Valle…) surpasse toutes les
autres à un point tel que l'on ne peut résister au plaisir de la décortiquer.
Le sujet : roulement de tambour, vous l'aurez deviné, c'est : les MECHANTS
NIHILISTES ISLAMISTES FLAGELLANT L'OCCIDENT CHRETIEN. (Bon, d'accord, c'était
une devinette facile, la réponse étant toujours la même).
Momo aime Drieu et
ça se voit : son texte commence par une petite pique contre "la vielle
Europe fébrile à l'approche des congés payés." Il est vrai que ce n'est
pas au Texas (oh yeah!) qu'on aurait l'idée de prendre des congés payés.
Faignasses d'Européens!
Tout à coup, dans ce décor fossilisé, surgissent, on
ne sait pourquoi, des types plus tarés les uns que les autres, qui se kamikazent
dans le métro londonien SANS LA MOINDRE RAISON! Juste histoire de se retrouver
au "Paradis aux soixante-douze vierges" promis par le Coran!
Des fous, vous dis-je!
Mais soyons honnête : Momo donne tout de même quelques
explications : "Entre deux révolutions des Lumières s'est immiscée la
rébellion de l'obscurantisme." Pire : "le spectre du fascisme
plane à nouveau sur l'Europe" (on se demande ou il va chercher tout
ça). Tout s'explique : si des terroristes se font sauter avec leurs bombes,
c'est parce que ce sont d'affreux obscurantistes nazis. Et leurs bombes! Quelle
puissance de feu! " De tristes souvenirs, on se remémorera que les
déflagrations mortifères qui tuèrent les derniers londoniens innocents avaient
alors pris l'apparence apocalyptique des V1 et V2 nazis (…) Comment renoncer à
faire cette comparaison devant les scènes étrangement familières de rues
couvertes de gravats et de bouches de métro dévorées par le baiser mortel des
engins explosifs?". Oui, comment?
Peut-être en remarquant (oh!
Timidement!) qu'on ne bombarde pas impunément un pays souverain (l'Irak) sans
prendre le risque de se faire bombarder soi-même, comme l'a noté le courageux
député ex-travailliste George Galloway à la Chambre des Communes.
Mais non,
pour Momo, les deux terreurs nazies et islamistes, "dans le miroir
faustien de l'histoire (sic), s'observent et se ressemblent
cruellement". L'Occident chrétien, lui, ne sème pas la Terreur, il
propage la démocratie, nuance!
Vous n'êtes pas convaincu? Attendez, attendez!
Momo a encore de quoi vous terrifier encore plus : les islamistes ne sont pas
seulement des nazis, mais "un nouveau dragon, plus résolu et plus
indomptable encore" (re-sic), "une bête monstrueuse, elle aussi
en quête de lebensraum, elle aussi décidée à tout pour parvenir à ses fins, elle
aussi prête à souffler son feu abject" (sic et sic!).
Ben Laden, en
fait, c'est Godzilla!
Emporté par son lyrisme de manga, Dantec se vautre
lamentablement dans son paragraphe suivant. Désireux de nous faire part de son
immense culture littéraire (anglo-saxonne, of course), il affirme que
"ce sont sans nul doute les écrits dystopiques (sic) de
George Orwell qui pressentent le mieux les événements tragiques auxquels nous
venons d'être confrontés. Dans 1984, le romancier nous livre le témoignage
d'anticipation d'un citoyen de Londres, capitale d'Océania soumise à une attaque
surprise des forces d'Eura(b)ia, un témoignage saisissant qui aurait pu être
livré en 2005" (Momo pourrait se recycler en rédacteur de quatrième de
couverture…).
Que raconte Orwell dans ce passage ciblé par Dantec? Tout
bonnement le bombardement impromptu d'une rue londonienne.
Pour Momo, cela
témoigne du talent "visionnaire" d'Orwell, cet écrivain de
"science-fiction".
Alors là, nous allons devoir quitter le
ton sarcastique pour répondre sérieusement :
Premièrement, Orwell ne s'est
jamais considéré comme écrivain de science-fiction (seuls ceux qui n'ont rien
compris à l'œuvre du génial Anglais partagent cette erreur de jugement).
1984 est une satire du monde de l'après-guerre, des dictatures, des
défilés militaires, de la propagande radiophonique, bref, de "l'esprit de
gramophone"cet ancêtre terrifiant de la langue de bois "
("novlangue").
On le vois, on est loin du cyberpunk à la Dantec,
qui fleure bon son 1979…
Deuxièmement, et là, un énorme éclat de rire nous
prend à l'idée de la belle balle que Momo s'est tirée dans le pieds, ce
bombardement de Londres décrit par Orwell, pourquoi se produit-il, sinon parce
que l'Océania est en guerre avec l'Estasia? ("L'Océania a TOUJOURS été en
guerre avec l'Estasia"!). Et cette guerre, Orwell le souligne fortement,
est VOULUE par Big Brother. LA GUERRE C'EST LA PAIX, proclame les affiches
martiales du régime. Comment ne pas voir là le parallèle avec la guerre
américaine? Comment ne pas voir que cette guerre sert les intérêts des lobbies
qui contrôlent ce gouvernement? (1) Lobbies financiers, lobbies pétroliers,
lobbies militaires! Comment ne pas voir derrière l'image de Ben Laden, l'image
de Saddam Hussein, l'image de Zerkaoui (et bientôt, l'image du nouveau président
iranien), comment ne pas voir celle de Goldstein, l'ennemi invisible, toujours
battu, toujours vivant, éternellement menaçant, l'image enfoncée, jour après
jour, inlassablement, par les médias occidentaux(2) jusqu'à la gueule des
téléspectateurs (étonnez-vous de l'obésité croissante, après ça!).
Mais
Dantec se trompe-t-il ou avoue-t-il? Plus loin il parle de nous comme les
"habitants (de) l'ouest d'Océania".
Nous sommes donc
Océaniens.
LA PARTIE EST TERMINEE.
IL AIME BIG BROTHER
ET SON NOM EST
AMERICA
(1)Ce gouvernement ou un autre : qu'on ne compte pas sur nous pour bêler avec la gauche sur le gentil Kerry…
(2) Qu'on ne nous raconte pas d'histoire : les médias français n'ont jamais été véritablement opposés à la guerre en Irak. Ils ont repris la terminologie du Pentagone, embrayés sur le mythe Zerkaoui, parlé du "trou à rat de Saddam", propagé les mensonges US sur le "boucher de Bagdad", considéré les élections fantoches de janvier comme un "succès"…
les méchants nazislamogauchistes ont cambriolé le loft de Maurice, drame !
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